Vous voici à la dernière étape purement pro-biodiversité de ce long tutoriel, commencé il y a plus de deux ans! Vous avez appris comment planifier votre jardin, comment fabriquer et entretenir un compost, l’importance d’un récolteur d’eau de pluie et d’un poulailler, ainsi que réaliser une mare naturelle, un potager, un coin aromatique, une spirale à insectes, une prairie sauvage et même une haie bocagère! Il est maintenant temps de s’attaquer à une partie oubliée et mal aimée alors que si utile et pratique: le coin sombre.
Principe
Mais enfin qu’est-ce que ce bougre veut dire par “coin sombre”? Eh bien, c’est très simple. Le coin sombre c’est la partie de votre jardin avec le moins d’ensoleillement et le plus d’humidité. C’est typiquement au fond du jardin, le long d’un mur ou d’une grande haie bocagère (et non une bête haie américaine). Cette zone abrite des espèces faunistiques et florales très différentes du reste de votre jardin de biodiversité. Elle a plein d’utilités à la fois pour la biodiversité et pour vous!
Pourquoi faire un coin sombre?
- Apport d’une biodiversité unique tant pour la flore que la faune.
- Zone de refuge et de nourriture pour la faune.
- Utilisation des feuilles mortes “embêtantes” (pour beaucoup).
- Utilisation des bois morts, pourris et des troncs creux.
Mise en place du coin sombre
Emplacement et taille du coin sombre
L’emplacement du coin sombre ainsi que de toutes les parties de votre jardin est expliqué en détails dans l’article de planification. La planification de votre jardin est l’étape la plus importante. Toutefois pour faire simple, le coin sombre se situe dans la zone la plus abandonnée et sombre de votre jardin. Un bon endroit pourrait être à proximité à proximité du compost ou du poulailler. Les poules pourront ainsi se nourrir de quelques arthropodes un peu trop curieux.
En ce qui concerne la taille, cela dépendra forcément de la taille de votre jardin et de la taille de la zone d’ombre.
Eléments du coin sombre
- tas de feuilles mortes
- tas de bois
- plantes d’ombre
- gîte à hérisson
- abri perce-oreilles
- tronc creux
- tronc mort
Ces éléments peuvent être mis un peu comme vous voulez mais pour vous guider, voici un exemple de bonne disposition:
Construction (étape par étape) et intérêts
1) Le gîte à hérisson: Vous pouvez réaliser ce gîte à hérisson dans un coin par exemple. Pour ce faire, rien de plus simple, délimitez une zone de 30 cm sur 40 cm, c’est la chambre du hérisson. Ensuite, mettez des bûches tout autour de cette zone sauf à l’entrée. Il suffit ensuite de placer une planche recouverte d’une bâche plastique (pour éviter l’infiltration de la pluie) qu’on recouvre ensuite de bûches à nouveau. Il ne reste plus qu’à mettre des feuilles mortes dans la chambre, le hérisson les utilisera pour son confort. Si vous avez des clôtures, n’oubliez pas d’agrandir à certains endroits pour pouvoir les laisser passer!
Pourquoi?
Ce gîte permettra au hérisson d’hiberner en hiver et d’abriter des jeunes au printemps. Votre coin sombre deviendra un véritable hôtel avec pension complète pour nos fragiles hérissons.
2) Le tas de feuilles mortes et de bûches: Rien de plus simple, délimitez une petite zone à l’aide de bûches et ensuite jetez-y vos feuilles mortes. Vous pouvez également réaliser une sorte de tour de bûches, avec des feuilles tout autour. Les possibilités ici sont infinies, vous pouvez être créatif à souhait. Ce qui compte c’est simplement d’avoir une zone avec des bûches et des feuilles mortes. N’hésitez pas à ajouter quelques pommes de pin, c’est aussi un refuge pour pas mal d’animaux.
Pourquoi?
Les feuilles mortes permettront de nourrir moultes champignons, bactéries, insectes, collemboles ou des vers ainsi que de servir de cachette et de protection pour plein d’arthropodes et petits vertébrés. C’est donc une aberration de jeter toutes ces feuilles à la déchetterie. Mettez une partie de vos feuilles ici et le reste sous vos haies bocagères.
Le tas de bois, lui, permettra de nourrir tous les insectes xylophages, les lichens, les champignons et les mousses. Il permettra aussi d’accueillir des crapauds, des tritons, des salamandres, des perce-oreilles ou des chrysopes. De plus, pourquoi s’embêter à jeter du bois et des branches quand on peut les utiliser ici.
3) Les plantes d’ombre: Vous pouvez planter ou laisser croître par exemple les plantes suivantes dans votre coin sombre: lierre, ortie, violette, ail sauvage et ronces. Bien entendu pour ce qui est des ronces et orties, il faudra bien les gérer pour éviter qu’elles prennent trop d’ampleur et blessent votre petite famille.
Pourquoi?
Le lierre est un élément crucial puisque c’est une des plantes les plus utiles d’un point de vue de biodiversité. Il sert de refuge en hiver pour un tas d’oiseaux et de petits mammifères ainsi que de nourriture hors saison pour les abeilles (nectar d’automne), les coccinelles, les syrphes, les oiseaux (baies hivernale), les papillons, les neuroptères et encore bien d’autre. Le lierre peut aussi nourrir vos chèvres si vous en avez ainsi que de servir de purin (insectifuge). C’est un atout incontestable à avoir dans tous les jardins!
L’ortie attire un bon paquet d’insectes également (papillons, mouches, charançons, etc.) et peut servir de purin tout aussi efficace.
La violette a surtout une utilité esthétique et odorante mais sa couleur est aussi très attirante pour de nombreux pollinisateurs.
L’ail sauvage peut être utilisé pour votre cuisine, dans un spaghetti bolo par exemple (végétarien, bien entendu).
La ronce est souvent mal vue, comme l’ortie et le lierre, à tort. Tout d’abord, ses fleurs riches en nectar attirent plein de pollinisateurs divers (abeilles, bourdons, syrphes, coléoptères, papillons, etc.). Ensuite, les ronces servent de refuge pour quelques mammifères, pour des oiseaux et des arachnides. Enfin, les tiges creuses peuvent aussi servir de domicile à des abeilles/guêpes solitaires. Pour nous Homo sapiens, les mûres pourront à la fois servir de succulent et sain dessert à votre famille et à vos amis ainsi que de bon goûter pour les oiseaux des environs.
4) L’abri à perce-oreilles: Ces insectes (parmi les Dermaptera), totalement inoffensifs d’ailleurs, fuient la lumière et apprécient donc les zones sombres. On les retrouve ainsi dans des crevasses, des pommes de pin, sous les écorces ou sous les feuilles. Vous pouvez leur confectionner un abri idéal supplémentaire à l’aide d’un pot de fleurs en terre cuite (de 10 à 15 cm) dans lequel vous placez soit des pommes de pain dans un filet (dont il suffit de faire passer la ficelle par le trou) soit de la paille. Il reste alors à placer le pot de fleurs sur une branche d’un arbre (> 1 m de hauteur).
Pourquoi?
Cela offrira un logement de journée idéal pour notre ami le perce-oreille qui en retour, pendant la nuit, ira manger de nombreux insectes nuisibles. Le perce-oreille est un auxiliaire des cultures, un atout majeur pour vos arbres fruitiers par exemple.
5) Les troncs creux et morts: Pour cette étape, rien de plus simple, il suffit de déposer un ou deux morceaux de tronc (ou en entier) morts et/ou creux, où vous voulez dans le coin sombre.
Pourquoi?
Le tronc creux a été formé par des xylophages (xylo = bois) et peut maintenant servir d’abris et aussi de nourriture pour un bon nombre d’animaux. On peut penser ainsi aux longicornes, aux champignons, aux cétoines, aux abeilles, bourdons, guêpes, papillons, punaises voire même aux oiseaux et aux chauves-souris! Bien entendu, un arbre creux, cela ne court pas tous les jardins donc si vous n’en avez pas, ce n’est pas grave, un tronc mort fera déjà l’affaire mais si vous en avez un, gardez le à tout prix!
Justement, le tronc mort qu’il soit encore debout ou déjà à terre, servira à tout autant d’animaux et plantes! Les mousses et champignons seront heureux de décorer le tronc tandis que les cloportes, les limaces, les mille-pattes, les perce-oreilles, les coléoptères, certaines abeilles ou encore les frelons européens seront très heureux.
Entretien
L’entretien du coin sombre est tout ce qu’il y a de plus simple et rapide! Veillez simplement à rajouter des feuilles mortes de temps en temps si le tas commence à devenir trop petit. Veillez aussi à bien tailler et contenir le roncier qui peut vite prendre le dessus sur le coin d’ombre, ce qui n’est pas l’objectif. Enfin, n’hésitez pas à rajouter des bûches de temps en temps pour avoir un gradient de décomposition.
Conclusions
Le coin sombre est un véritable must pour tout jardin de biodiversité. Il est malheureusement trop souvent oublié alors qu’il est très simple à réaliser! Vous avez toutes les clés en main pour réaliser ce soin sombre qui augmentera la biodiversité de votre jardin de manière déconcertante. Pour la faune, vous aurez potentiellement des champignons, des arachnides, des insectes, des mammifères, des oiseaux voire même des amphibiens; que demander de plus! Pour la flore, vous aurez des mousses, des plantes odorantes, nourrissantes, colorées et même aromatiques! Bien qu’à l’allure discrète et endormie, ce soin sombre sera riche en biodiversité que vous la voyez ou non. La nature vous remerciera!
Bibliographie
- Favoriser la biodiversité au jardin – Sébastien levret (Edition Massin)
- Mon premier jardin biologique facilement – Fiona Hopes (Edition Marabout)
- 150 activités nature aux 4 saisons – Frédéric Lisak (Edition Milan Jeunesse)
- Gerbeaud – La ronce, un trésor pour la biodiversité: https://www.gerbeaud.com/nature-environnement/ronce-utile-pour-la-biodiversite,1635.html#:~:text=Si%20les%20fleurs%20peuvent%20servir,elle%20d%C3%A9pendra%20de%20votre%20g%C3%A9n%C3%A9rosit%C3%A9.
- Salamandre – Portrait de 4 habitants de l’ortie: https://www.salamandre.org/article/foreurs-suceuses-mineuses-ortie/