Quel discours adopter face aux anti actions individuelles pour la crise globale imminente?

Crise Globale dessin
Petit résumé de ce qui nous attend plus tard – Claire Vandaudenard et Edouard Duquesne pour BiotifulVie

En résumé

Nous sommes en plein cœur d’une crise globale. Chaque action a un impact et pourtant les anti actions individuelles sont très nombreux. Alors comment réagir face à cette masse de personnes qui cassent les héros du monde de demain?

Il existe trois types d’actions: les actions individuelles, les actions collectives et les politiques fortes. Contrairement à ce que l’on pense, les actions individuelles sont nécessaires pour réduire de entre 20 et 30% (jusqu’à 45% si gros investissement) de notre empreinte carbone

Le reste devra venir des entreprises et gouvernements, ce qui n’est pas gagné mais on peut garder un microscopique espoir

Introduction

Nous sommes dans une période unique, à la fois remplie de difficultés qui font peur: crise énergétique, crise climatique, crise de la biodiversité, crise épidémique, crise, crise et encore crise; mais aussi une période riche en innovations, opportunités et challenges individuels et collectifs. Notre espèce, Homo sapiens, a atteint le nombre colossal de huit milliards d’individus fin 2022 [1]. Même si nous faisons tous partie de la même espèce, nous sommes tous uniques et différents, surtout face à la crise globale actuelle. Certains souffrent d’éco-anxiété tandis que d’autres ne prennent pas encore conscience de la réalité de ce qui nous attend ou d’autres tout simplement préfèrent l’ignorer (ce que je comprends parfaitement). Avec toutes ces différences, quel discours adopter face aux anti actions individuelles et surtout comment continuer à avoir la force de se battre?

Les différentes actions possibles

Pour essayer de ralentir la fameuse courbe du taux de CO2 atmosphérique, il n’y a pas une infinité de possibilités. Nous avons un petit espoir via trois éléments: actions individuelles, actions collectives et politiques fortes. Vous constaterez que je ne parle pas des entreprises: elles n’aideront jamais puisque dans un monde capitaliste leur but est de faire du profit à tout prix, leur survie en dépend. Avant de décrire ces trois éléments, je vous propose de parler du discours type des anti actions individuelles. 

emissions co2 global courbes
Les fameuses petites courbes de CO2 selon différents scénarios – Hannah Ritchie, Max Roser and Pablo Rosado (2020) – « CO₂ and Greenhouse Gas Emissions ». Published online at OurWorldInData.org.

Le discours type des anti actions individuelles

Que vous soyez un écologiste averti ou un citoyen conscient de la crise et faisant quelques efforts, vous avez fait face (j’en mets ma main à couper) à des discours anti actions individuelles au cours de votre vie. Peu importe la sphère, qu’elle soit privée ou professionnelle – et ce peu importe le domaine, croyez moi en tant que chercheur en biologie -, vous avez déjà reçu un sacré coup sur la tête par rapport à l’utilité de vos actions individuelles.  

Voici plusieurs exemples de phrases types des anti actions individuelles:

  • A quoi bon ne pas acheter de viande si elle est de toute façon dans le magasin?
  • Pourquoi arrêter de manger de la viande alors que l’Afrique et l’Asie compenseront cet arrêt?
  • Quel est l’intérêt d’arrêter de rouler en voiture si c’est pour que Jean Michel Richard achète une Ford Raptor faisant du 14 L/100?
  • Investir dans l’écologie ou le durable ne sert à rien puisque personne d’autre le fera et que les compagnies d’investissement continueront toujours d’investir dans le pétrole, la viande, les armes et le charbon.
  • Eteindre la lumière ou couper l’eau pendant que tu te savonnes ne sauvera pas le monde! 
  • Pourquoi protéger une petite réserve naturelle à Bruxelles quand en Indonésie ou au Nicaragua des millions d’hectares de forêts tropicales primaires sont détruites chaque année pour faire de l’huile de palme? 
  • Pourquoi prendre une voiture électrique ou un vélo si c’est pour que mon ancienne voiture diesel/essence finisse en Afrique?
  • Pourquoi perdre son temps à créer un jardin de biodiversité au lieu de mettre du béton pour faire des barbecues? Cela ne sert à rien de sauver quelques bêtes oiseaux, insectes ou grenouilles.
  • Cela ne sert à rien de faire des efforts quand de l’autre côté Coca-Cola et Total détruisent et polluent tout. 
  • Face aux conglomérats et à la corruption, on ne peut rien faire et on va tous mourir d’ici 30 ans, autant profiter tant qu’on peut. 
  • Quoi que tu fasses, cela ne changera rien, autant profiter à fond. 
  • Pourquoi aller dans une banque écologique comme Green Got et payer 6€ par mois quand rester chez BNP ou Belfius est gratuit(tout en finançant notre propre mort)?

Bien que ces phrases partent d’une réelle logique et d’un véritable réalisme, elles n’ont pas lieu d’être. Non seulement, elles oublient le phénomène de masse mais aussi elles ont un sens négatif et suppriment tout espoir. Or, comme disait Voltaire, quand il n’y a plus d’espoir, la vie est un opprobre et la mort un devoir. Ce n’est pas ce que l’on souhaite.

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Incroyable Lepture Rouge en train d’observer la vallée depuis le château de Logne – Edouard Duquesne

Les actions individuelles

Les actions individuelles sont infinies et l’espèce humaine ne cessera jamais de m’impressionner par sa capacité d’innover et de trouver des idées positives. Toutefois, toutes les actions individuelles n’ont pas le même impact, elles ne se valent pas toutes. Par exemple, diminuer sa consommation animale ou réduire ses trajets en avion n’aura pas le même impact que changer ses ampoules halogènes en LED. Avant de  lister les actions individuelles au plus haut impact, j’espère vous convaincre de leur intérêt.

Tous les anti actions individuelles s’accordent sur le fait que ces actions non collectives et politiques n’ont absolument aucun intérêt significatif mais une étude réalisée par Carbone4 prouve le contraire [2]. Vous pouvez admirer leur magnifique graphique ci-dessous mais pour résumer: l’engagement individuel permettrait d’engendrer une baisse moyenne jusqu’à 45%. Cet énorme chiffre considère à la fois des changements de comportements héroïques avec de gros investissements donc dans la réalité ce serait plutôt entre 20 et 30%. Cela reste considérable et non négligeable. Vous pouvez donc maintenant sortir ces chiffres, étude à l’appui, à chaque dîner familial, amical, collégial ou autre.

actions individuelles
Importance des actions individuelles face à l’urgence climatique (et globale) – Carbone4

C’est parti pour les différentes actions individuelles dans leur ordre d’importance, selon l’étude de Carbone4 [2]. Vous serez surpris (sauf les végétariens ou végétaliens) de voir en toute première position le végétarisme. Et oui, bien que l’étude ne tienne compte que du CO2 émis (et non donc de la déforestation, de la souffrance animale et du méthane émis pour produire de la viande), ce n’est pas l’avion ou la voiture qui produit le plus de CO2. Tout commence dans votre assiette et… avec votre banque.

A. Actions individuelles principales sans gros investissement

1) Changer de banque: l’argent sur votre compte épargne (d’une grande banque française/belge) émet 12 tonnes de CO2/an par 15 000€ selon une étude de Oxfam [3]. Deux solutions face à ce problème majeur: changer de banque (par exemple Green Got, VDK ou Triodos) et investir dans des actions ou fonds écologiques

2) Le végétarisme: c’est meilleur pour votre santé, l’environnement et les animaux. Cela vous ferait réduire de plus de 1000 kg de CO2 par an votre empreinte carbone. 

3) Faire du vélo pour les trajets courts: cela signifie moins de pollution en ville ainsi qu’une santé de fer, car faire du sport c’est crucial pour être en bonne santé! Cette ferait réduire de plus de 300 kg de CO2 par an votre empreinte carbone. 

4) Faire du covoiturage: plus on est nombreux dans une voiture, plus la part de CO2 émise par personne diminue. Cela ferait réduire d’environ 300 kg de CO2 par an votre empreinte carbone. 

5) Moins prendre l’avion: bien qu’il reste indispensable pour des trajets de plusieurs milliers de km, pour tous les trajets au sein de l’Europe par exemple, le train est une option envisageable. La quantité de CO2 économisées dépend de chaque trajet d’avion mais typiquement un petit vol aller-retour Bruxelles-Barcelone émet 700 kg de CO2 par personne.

6) Moins consommer: que ce soit d’un point de vue électronique (garder son GSM 3 à 6 ans plutôt que 1 à 2 ans), des vêtements et de tous les objets en général. Il ne faut pas se laisser avoir par les techniques de marketing de plus en plus rusées. Amazon, Aliexpress, Wish, Vinted, H&M, Apple, toutes ces grosses compagnies ne veulent pas votre bien, uniquement votre argent. Les vêtements demandent une quantité d’eau très élevée (un t-shirt = 2700 L d’eau) et l’industrie du textile est responsable à elle seule de 10% des émissions globales de CO2 [4]. 

7) Manger local, bio et de saison: l’agriculture conventionnelle détruit la faune et la flore à l’aide de pesticides chimiques et de fertilisants. De l’autre côté, l’agriculture bio n’est pas parfaite mais reste meilleure pour l’environnement. Manger local permet d’éviter le CO2 émis par les transports tandis que manger de saison permet d’éviter le CO2, émis par le chauffage des serres.  

8) Autres actions: créer un jardin de biodiversité pour protéger la faune et flore locales, rejoindre un groupe d’activistes de votre région, investir dans des entreprises écologiques, le zéro déchet, les ampoules LED, le marché d’occasion, le pull à la place du chauffage, éduquer son entourage à être durable, le compost, cuisiner les restes, réduire son empreinte numérique, GiveActions, et bien plus encore.

Pour plus d’actions et de détails sur les quantités de CO2 non émises potentielles, je vous invite à regarder la bibliographie [3, 4, 5 et 6].

B. Actions individuelles avec gros investissement

1) Le chauffage: améliorer l’isolation de sa maison ainsi qu’installer une pompe à chaleur permet de faire des économies d’argent et de CO2 canonissimes. Cela vous permettra d’éviter 1000 à 1500 kg de CO2 par an. 

2) Voiture électrique: que ce soit clair, le mieux est bien entendu d’utiliser son vélo et les transports publics mais dans certaines régions, il est impossible de se passer d’une voiture. Bien entendu, à l’heure actuelle produire des batteries de lithium pollue et cause des dégâts envers l’environnement mais sur le long terme, une voiture électrique est clairement mieux.. Il faut bien entendu qu’elle soit petite (et non un gros SUV) et que son électricité soit verte. Cela vous permettra d’éviter 500 à 1000 kg de CO2 par an. 

3) Électricité: investir dans des panneaux solaires et/ou dans une éolienne portable. Le rendement est de plus en plus élevé et à long terme vous êtes gagnants d’un point de vue économique et écologique!

Pour plus d’actions et de détails sur les quantités de CO2 non émises potentielles, je vous invite à regarder la bibliographie [3, 4, 5 et 6].

Diminuer son empreinte carbone
Méthodes pour diviser son empreinte carbone par 2 en 10 ans – ecoconso

Les actions collectives et les politiques efficaces 

Malgré votre désir individuel profond de changer les choses, votre pouvoir est limité sans les actions collectives et politiques efficaces. En effet, tout notre système socio-économique est basé sur les énergies fossiles de A à Z. Il est même pour être précis basé sur le profit puisque nous sommes dans un système capitaliste, plus nous consommons, mieux c’est. A ce modèle économique s’est greffé tout un système vicieux de lobbying important pour maintenir la position des plus riches. On ne pourra probablement jamais sortir de notre système capitaliste sans une révolution ou une sorte d’apocalypse (ce qui arrivera bientôt si on continue sur cette lancée) mais on peut au moins espérer sortir d’un profit basé sur les énergies fossiles

Le chemin sera long et parcouru d’embûches puisque chaque compagnie et gouvernement dépendant de l’or noir fera tout pour empêcher cette sortie. La seule solution viendra du gouvernement (qui peut aussi être influencé ou plié par les citoyens via des actions citoyennes, des pétitions, des mises en justice, de la désobéissance civile, etc.), lui seul peut forcer les entreprises à changer ainsi que d’investir dans une infrastructure verte. Du côté de l’EU, des efforts ont été faits mais sont bien entendus insuffisants puisque le lobbying est tout aussi présent. Par exemple, l’économie de l’UE étant fortement basée sur l’automobile qui représente 6,1% de l’emploi total, il n’est pas étonnant que l’UE donne des milliards chaque année pour cette industrie polluante [7]. Cela en va de même pour ce qui est de la France et le régime végétarien, les lobbys de la viande dépensant des millions d’euros chaque année pour être dans la tête dès le plus jeune âge [8]. En parallèle, je vous conseille de lire le rapport de Greenpeace (2022), il est très intéressant et désolant. 

Pour les citoyens, le plus dur sera de faire face au greenwashing constant qui s’intensifie sur tous les plans. Toutes les entreprises et tous les politiciens tenteront de montrer qu’ils font des efforts significatifs alors que la réalité sera tout autre. Il faudra donc être particulièrement vigilant et attentif. Remettre en question tout ce que la “pub” (qu’elle soit politique ou marketing) essaiera de nous vendre. Emmanuel Macron est par exemple très doué pour donner des promesses et ne pas les réaliser comme vous pourrez le voir dans cet article [9]. Pour ce qui est des entreprises, il faudra surtout être vigilant face aux grosses compagnies dont le modèle est polluant et nocif comme les fast food, les marques de voitures ou encore les marques de boissons. L’avenir est peut-être plus radieux en ce qui concerne les startups fondées sur un modèle plus écologique et moins économique mais leur croissance sera ardue dans ce monde capitaliste. GiveActions en est un bon exemple puisque c’est du marketing écologique dont les pubs financent la protection de l’environnement. 

Les actions individuelles d’un point de vue philosophique

Si d’un point de vue scientifique, vous n’avez pas été convaincu par les actions individuelles. Laissez vous tenter via un point de vue plus philosophique et personnelPour moi, faire des efforts individuels pour contrer cette crise globale, peu importe l’ordre de grandeur, c’est d’abord garder espoir. En effet, ne pas faire des efforts, c’est abandonner le combat, ne pas se battre, c’est dire à tous les bébés qui viennent de naître, à tous les enfants, à tous nos ancêtres qui se sont battus ou qui sont morts pour qu’on en arrive à ce confort; c’est dire que la vie sur cette terre ne vaut plus la peine d’être vécue. C’est renoncer à tenter de sauver ne serait-ce que quelques espèces, c’est renoncer à permettre à des centaines d’animaux de vivre ne serait-ce que quelques mois de plus, et renoncer à préserver une histoire évolutive de plus de 450 millions d’années. Si prendre le vélo tous les jours plutôt que votre voiture OU manger une seule fois par semaine de la viande ne permettrait ne serait-ce que de sauver un jaguar ainsi que votre propre vie (oui, la santé physique est importante), pourquoi ne pas le faire? Chaque action individuelle a un impact même si pour vous elle n’en a pas, elle permettra de vous donner espoir et bonheur dans votre vie.  

Conclusions

Vous savez maintenant tout sur les actions individuelles. Vous vous êtes peut-être retrouvés quand j’ai cité les différents discours types des anti actions individuelles, sachez que vous n’êtes pas  les seuls si c’est le cas. Si avant vous ne voyiez pas d’intérêt aux actions individuelles, j’espère que mon article vous aura convaincu ne serait ce que pour en réaliser une seule parmi toutes celles présentées plus haut. Nous vivons dans une époque difficile et c’est très dur, surtout si vous travaillez de près ou de loin dans ce milieu, de garder espoir et d’être positif lorsqu’on est au courant de la réalité. La plupart des personnes préfère ignorer la réalité ce qui est compréhensible mais malheureusement nocif pour la planète, votre entourage et pour vous-même. Gardons la tête haute et battons-nous, pour nous, pour l’espèce humaine et pour toute la biodiversité qu’il faut protéger à tout prix. N’hésitez pas à lire mes autres articles pour trouver différentes manières de promouvoir et protéger la biodiversité

Bibliographie

[1] United Nations (2022) – World Population Prospects 2022: Summary of Results: https://www.un.org/development/desa/pd/content/World-Population-Prospects-2022 

[2] Carbone4 (2019) – Faire sa part?: https://www.carbone4.com/publication-faire-sa-part 

[3] Oxfam 2020 – Banques: des engagements climat à prendre au 4e degré https://www.oxfamfrance.org/wp-content/uploads/2020/10/rapportBanque_OXFAM_v5.pdf   

[4] European Parliament (2019) – Environmental impact of the textile and clothing industry: https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2019/633143/EPRS_BRI(2019)633143_EN.pdf 

[5] Ecoconso (2019) – Climat: arrête d’en faire des tonnes: https://www.ecoconso.be/campagne2019/Climat-arrete-d-en-faire-des-tonnes.pdf 

[6] Ecoconso (2019) – Comment réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50%: https://www.ecoconso.be/fr/content/comment-reduire-les-emissions-de-gaz-effet-de-serre-de-50 

[7] European commission (2022) – Automotive industry: https://single-market-economy.ec.europa.eu/sectors/automotive-industry_en 

[8] Greenpeace (2022) – Comment les lobbies de la viande nous manipulent: https://cdn.greenpeace.fr/site/uploads/2022/01/Lobbies-de-la-viande_Greenpeace2022.pdf 

[9] Greenpeace (2022) – Ecologie et climat: quel est le bilan d’Emmanuel Macron:https://www.greenpeace.fr/ecologie-et-climat-le-bilan-catastrophe-de-macron/ 

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